Les dessous de l’initiative de la majorité Voerbelangen pour le vote des Européens au CPAS

Lors du dernier conseil communal de Fourons, la majorité Voerbelangen a, contre l’opposition francophone et celle du conseiller indépendant (issu de ses propres rangs), Rik Tomsin, décidé d’engager 10000 euros au bénéfice d’un bureau d’avocats, afin de saisir le tribunal de première instance en vue d’accorder aux citoyens européens (entendez: néerlandais) le droit de vote pour l’élection des membres du CPAS.

C’était la suite logique, a plaidé le bourgmestre, Joris Gaens, du vote, le 28 septembre dernier, toujours majorité contre opposition francophone, d’une motion proposée par Voerbelangen sur le même objet. Motion défendue, avec beaucoup de conviction, par l’élue de majorité Alexandra van Gestel, qui avait beaucoup parlé de «logique démocratique» à cette occasion, non sans talent d’ailleurs.

La conseillère Voerbelangen avait dit «ne pas comprendre» l’origine de cette «anomalie».

On aurait pu expliquer à Alexandra van Gestel la différence entre une loi spéciale belge et le Traité de Maastricht

Elle a une excuse: elle n’habitait sans doute pas à Fourons dans les années 1980. Mais elle aurait pu se renseigner avant de parler. Elle aurait ainsi appris que les dispositions sur l’élection des membres du conseil communal et celle des membres du CPAS remontent à 1988.

Pour mettre fin au «carrousel fouronnais», fatal à un gouvernement Martens, qui voyait, à chaque invalidation par la tutelle de la présentation de José Happart au poste de bourgmestre, tous les échevins démissionner, manière de lui permettre d’être réélu premier échevin, bourgmestre faisant fonction, une loi spéciale dite de pacification communautaire a été votée le 9 août 1988.

Cette loi s’adresse aux communes à statut linguistique spécial: Fourons, et Comines-Warneton qui lui est absurdement liée depuis la fixation de la frontière linguistique en 1962, et six communes de la périphérie bruxelloise: Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel, et Wezembeek-Oppem.

Dans toutes ces communes, non seulement les membres du conseil communal et du CPAS sont élu(e)s séparément, mais les échevins sont eux aussi élus directement. L’opposition se voit en outre offrir un mandat d’échevin, et la règle du consensus est instituée pour le fonctionnement du collège communal. En cas de non-consensus, le dossier revient devant le conseil communal, comme cela a été le cas ce jeudi, en raison de la position prise par l’échevin francophone, Jean Levaux. De 1988 à 2000, Huub Broers, futur bourgmestre Voerbelangen, a occupé ce poste. José Smeets (R@L), dernier bourgmestre francophone de Fourons à l’heure présente, en a hérité ensuite jusqu’à l’élection communale de 2018.

De plus, rien que pour Fourons et Comines-Warneton, un collège des gouverneurs a été institué, dont le mode de fonctionnement a été précisé.

Les électeurs de ces deux communes se sont vu enfin offrir de participer aux élections régionales, fédérales et européennes dans le canton d’Aubel, pour les électrices et les électeurs fouronnais(e)s, et d’Ypres-Heuvelland pour les électrices et électeurs cominois(e)s. Ceci explique pourquoi à chaque élection de ce type, le taux de participation dans le canton d’Aubel dépasse les 100%.

Cette même loi spéciale du 9 août 1988, couplée à une révision d’articles de la Constitution, a élargi considérablement des Communautés et des Régions.

Tout cela, les «anciens» de Voerbelangen auraient pu l’expliquer à Alexandra van Gestel… et aussi sans doute aux juristes qui ont transmis aux membres du collège communal un avis portant sur la participation des électeurs… non-européens à l’élection des membres du CPAS.

L’élargissement aux citoyens européens (c’est-à-dire essentiellement néerlandais) à Fourons, résulte, elle, du Traité de Maastricht qui, en 1992, a consacré «la citoyenneté européenne» et a accordé aux personnes possédant la nationalité d’un des États-membres de l’Union mais résidant dans un autre, le droit de participer aux élections municipales et européenne. C’est l’apport des électrices et électeurs néerlandais(e)s de Fourons qui a ainsi permis, en octobre 2000, à Voerbelangen, de renverser la majorité francophone au conseil communal…

Ce droit général est limité à ces scrutins. Les citoyen(ne)s européen(ne)s de Fourons ne peuvent donc participer aux élections régionales, alors que les compétences flamandes à Fourons sont très larges, et encore moins à des élections particulières, comme celle des membres du CPAS. Et curieusement, Voerbelangen ne réclame pas pour les citoyens européens (essentiellement néerlandais) de Fourons, le droit de participer aux élections régionales…

Le propos (actuel) de la majorité Voerbelangen est de revoir un élément de la loi de pacification communautaire du 9 août 1988.

Toute personne qui pratique le tricot sait que, quand on défait une maille, l’ensemble se détricote. Si cette disposition particulière, propre à Fourons et à Comines-Warneton, et aux six communes de la périphérie bruxelloise, est remise en cause, pourquoi, dès lors, pourquoi le détricotage des décisions erronées ou réputées telles du passé se limiterait-il à cela? Et ne remonterait-il pas jusqu’à l’erreur de base, commise en 1962?

Il ne faut pas oublier non plus que réviser cette loi spéciale requiert une majorité qualifiée de deux-tiers de votants, et d’une majorité dans chacun des groupes linguistiques de la Chambre fédérale.

On comprend mieux, dans ce cadre, pourquoi l’opposition francophone a refusé de donner un «chèque en blanc» à la majorité dans ce dossier. Si tant est que Voerbelangen veuille poursuivre l’initiative après le scrutin communal du 13 octobre, si sa majorité est confirmée?

Car la conversion de la majorité flamande de Fourons à l’égalité entre citoyen(ne)s belges et citoyen(ne)s serait plus crédible si elle ne se manifestait pas… depuis la défection de Rik Tomsin et la perspective de création d’une liste Alternative fouronnaise, dont les promoteurs sont principalement… néerlandais.

Si cet événement est sans incidence au conseil communal, hormis les empoignades verbales entre le bourgmestre et son ancien président d’assemblée, il en va tout autrement au CPAS: Voerbelangen y a perdu sa courte majorité (5-4). Et, en l’absence du conseiller indépendant, l’opposition francophone peut bloquer une série de décisions… comme l’adoption de la motion en faveur du droit des citoyen(ne)s européen(ne)s pour le CPAS, qui leur était aussi proposée le 28 septembre dernier.

Le bourgmestre, Joris Gaens, a beau avoir signalé que la note juridique du bureau d’avocats permet d’envisager diverses initiatives «après l’élection communale», il ne surprendrait guère que Voerbelangen mette, après ce rendez-vous, la pédale douce sur ce dossier, pour autant, bien sûr, que sa majorité soit reconduite au conseil communal.

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